l’allocution télévisée prononcée par Monsieur le Président de République, au Palais de l’Elysée, le dimanche 27 février 2011.
Mes chers compatriotes,
A peine la plus grave crise économique et financière depuis la deuxième guerre mondiale
semble-t-elle s’estomper, à peine l’Europe a-t-elle dominé la crise de l’euro que, de l’autre
côté de la Méditerranée, se produit un immense bouleversement. Certains peuples arabes
prennent leur destin en main, renversant des régimes qui, après avoir été, au temps de la
décolonisation, les instruments de leur émancipation avaient fini par devenir ceux de leur
servitude. Ces régimes, tous les États occidentaux et tous les gouvernements français qui se
sont succédés depuis la fin des colonies ont entretenu avec eux des relations économiques,
diplomatiques et politiques, malgré leur caractère autoritaire parce qu’ils apparaissaient aux
yeux de tous comme des remparts contre l’extrémisme religieux, le fondamentalisme et le
terrorisme.
Mais voici qu’à l’initiative des peuples s’esquisse une autre voie. En opposant la démocratie
et la liberté à toutes les formes de dictature, ces révolutions arabes ouvrent une ère nouvelle
dans nos relations avec ces pays dont nous sommes si proches par l’histoire et par la
géographie. Ce changement est historique. Nous ne devons pas en avoir peur. Il porte en lui
une formidable espérance car il s’est accompli au nom des valeurs qui nous sont les plus
chères, celles des droits de l’homme et de la démocratie. Pour la première fois dans l’histoire,
elles peuvent triompher sur toutes les rives de la Méditerranée. Nous ne devons avoir qu’un
seul but : accompagner, soutenir, aider les peuples qui ont choisi d’être libres. Entre
l’ingérence qui ne serait pas acceptée et l’indifférence qui serait une faute morale et
stratégique, il nous faut tout faire pour que l’espérance qui vient de naître ne meure pas car le
sort de ces mouvements est encore incertain. Si toutes les bonnes volontés ne s’unissent pas
pour les faire réussir, ils peuvent aussi bien sombrer dans la violence et déboucher sur des
dictatures pires encore que les précédentes.
Nous savons ce que pourraient être les conséquences de telles tragédies sur des flux
migratoires devenus incontrôlables et sur le terrorisme. C’est toute l’Europe alors qui serait en
première ligne. Nous avons le devoir d’agir avec une ambition qui soit à la dimension des
événements historiques que nous vivons. C’est pourquoi la France a demandé que le Conseil
européen se réunisse pour que l’Europe adopte une stratégie commune face à la crise libyenne
dont les conséquences pourraient être très lourdes pour la stabilité de toute la région. De
même l’Europe doit se doter sans tarder de nouveaux outils pour promouvoir l’éducation et la
formation de la jeunesse de ces pays du Sud de la Méditerranée, imaginer une politique
économique et commerciale pour favoriser la croissance de ces jeunes démocraties qui
veulent naître.
L’Union pour la Méditerranée, fondée à l’initiative de la France le 13 juillet 2008, doit
permettre à tous les peuples de la Méditerranée de bâtir enfin une destinée commune. Le
moment est venu de refonder cette Union à la lumière des événements considérables que nous
vivons. La France fera des propositions en ce sens à ses partenaires.
Mon devoir de Président de la République est d’expliquer les enjeux de l’avenir mais tout
autant de protéger le présent des Français. C’est pourquoi, avec le Premier Ministre François
Fillon, nous avons décidé de réorganiser les ministères qui concernent notre diplomatie et
notre sécurité.
Alain Juppé, ancien Premier ministre, homme d’expérience qui a déjà exercé ces fonctions
avec une réussite unanimement reconnue sera Ministre des Affaires étrangères. Pour le
remplacer au ministère de la Défense, j’ai choisi Gérard Longuet, lui aussi homme
d’expérience. J’ai souhaité dans le même temps confier la responsabilité de ministre de
l’Intérieur et de l’Immigration à Claude Guéant qui m’a accompagné depuis neuf ans dans
toutes les responsabilités que j’ai exercées, en particulier au ministère de l’Intérieur dont il
connaît tous les rouages et dont il a occupé tous les postes de responsabilité.
Ainsi les fonctions régaliennes de l’État se trouveront-elles préparées à affronter les
événements à venir dont nul ne peut prévoir le déroulement.
Mes chers compatriotes, c’est mon devoir de prendre les décisions qui s’imposent quand les
circonstances l’exigent. Je connais vos attentes qui sont grandes à juste titre. Je me suis
engagé à moderniser la France pour que notre modèle survive à tous les changements si
brutaux de ce début du 21ème Siècle. Pour obtenir les résultats que vous attendez et que nous
obtiendrons, je me dois de ne faire prévaloir aucune autre considération que le souci de
l’efficacité et de l’intérêt général dans le choix de ceux auxquels sont confiées les plus hautes
responsabilités de l’État.
Dans ces circonstances si troublées la nécessité du rassemblement de tous les Français autour
de nos valeurs républicaines est plus nécessaire que jamais. La peur, l’affrontement,
l’exclusion n’ont jamais permis de préparer l’avenir, au plan international comme au plan
national.
A l’inverse le refus de voir les réalités en face exacerbe les tensions.
Mes chers Compatriotes, vous pouvez compter sur ma détermination et sur mon engagement.
vive la République !
vive la France !