Vendredi 11 novembre dernier, Daniel SPAGNOU, Député Maire de Sisteron, les membres du Conseil municipal, les autorités civiles et militaires ainsi que les portes drapeaux étaient réunis devant le monument aux morts pour la célébration de l’armistice du 11 novembre 1918 et rendre hommage à tous ceux qui ont donné leur vie pour la France. Le Député Maire, Daniel SPAGNOU, dans son allocution devait rappeler, « Il nous appartient aujourd’hui d’accompagner le passage du temps de la mémoire vers le temps de l’histoire. En 1918, la France était le champ de bataille de l’Europe. Pour bien mesurer le comble de cette horreur, quel meilleur moyen que celui de lire la lettre d’un poilu : tout y est humainement dit : « Ma chère Marie, Tu ne saurais croire la vaillance et l’héroïsme de nos braves soldats ; quand je dis : » vaillance et héroïsme », je n’entends pas parler comme les journaux dans un sens vague et général et prendre ces mots presque comme un cliché systématique lorsqu’il s’agit de nos troupes, mais bien au contraire, je veux donner à ces mots toute leur extension et je précise. Hier à 14h devait avoir lieu par 3 sections de mon régiment, l’attaque d’une tranchée allemande, pourvue de défenses accessoires fantastiques (…) une canonnade intense assaut à la baïonnette(…)A 14h30, fusée, cessation de l’artillerie, assaut à la baïonnette, victoire : comme tu le vois, c’est très simple sur le papier, mais hélas combien différent dans la réalité(…).Mets-toi un instant dans la peau des officiers et des hommes qui vont partir. Jusqu’à 14h, les hommes dorment tranquilles, couchés sur le ventre dans leurs tranchées, harassés qu’ils sont par plusieurs nuits de travail; ils ne se doutent de rien. Un de leur capitaine disait : » Ils me font pitié, je n’ose pas les réveiller « . Cependant les 3 lieutenants commandant chacun une section à 200 m d’intervalle environ, savent depuis 1Oh ce qui va se passer et ils se promènent pensifs dans la tranchée. A quoi servira cette attaque se disent-ils ?; nous ne pourrons jamais arriver au but, car les réseaux de fils de fer nous en empêcheront et par suite nous sommes tous destinés à nous faire tuer sur place.. . Mais que faire ? L’ordre d attaquer est formel, il faut marcher(…).Aussitôt, (…), les lieutenants, l’un revolver au poing, l’autre baïonnette au canon comme un soldat, s’élancent hors de la tranchée aux cris de : » Baïonnette au canon » » En avant » » A l’assaut » » Pour la France » et l’un d’entre eux entonne La Marseillaise accompagné de ses hommes(…) C’est sublime de voir cet élan enthousiaste chez des hommes assez âgés, en campagne depuis de longs mois et allant tomber volontairement (parce que c’est l’ordre) dans les pièges qu’ils connaissent si bien et où ils ont laissé tant d’amis. Successivement, chacun des trois lieutenants tombe frappé mortellement à la tête.Les hommes, tel un château de cartes dégringolent tour à tour; ils continuent tout de même : quelques uns arrivent jusqu’aux fils de fer : ils sont trop gros hélas! Leur sergent tombe, un autre aussi. Que faire ?… Avancer? Impossible! Reculer? : de même et, tandis que froidement, à l’abri de leurs tranchées et de leurs boucliers les allemands visent et descendent chacune de ces cibles vivantes, les hommes se couchent là, grattant la terre de leurs doigts pour amonceler un petit tas devant leur tête et tâcher ainsi de s’abriter contre les balles.
Voyant l’impossibilité d’avancer le commandant leur envoie un homme, agent de liaison pour leur dire de se replier en arrière dans leur tranchée : celui-ci en rampant à plat ventre arrive à transmettre l’ordre : » Pouvez-vous vous replier si c’est possible ? » Hélas! non, on ne peut ni avancer, ni reculer Il faut attendre la nuit.A la nuit, (…) les blessés arrivent peu à peu (…). Les 3 lieutenants, dont le sous-préfet d’orange, ont été tués : ce dernier que j’ai reçu avait une balle dans le front. Admirable de stoïcisme, aucun blessé ne se plaint de son sort et de l’inutilité de cette attaque au cours de laquelle il a été si affreusement mutilé. Que d’horribles blessures : l’un a le poumon qui sort et il ne se plaint pas, l’autre a des débris de cerveau sur son cou et ses épaules et il veut marcher : » Je veux qu’on me porte, dit-il » ; (…) » Ce qu’il faut souffrir pour la France « . Je ne pus retenir mes larmes… Ce héros obscur est peut être mort à l’heure qu’il est, mais comme cette phrase si simple est grande et sublime dans la bouche d’un homme peu instruit et qui vient de Sacrifier sa vie à la fleur de l’âge. (…) Ne crois-tu pas chère Marie que tous ces morts quels qu’ils soient doivent aller droit au ciel après de semblables actes d’héroïsme et ne crois-tu pas odieux, honteux, scandaleux que Messieurs les Députés à la chambre veuillent refuser ou même discuter l’attribution d’une » croix de guerre » à ces hommes, tous des héros, sous prétexte qu’il faut qu’ils soient cités à l’ordre de l’armée… Pour eux l’ordre du jour de la Division n’est pas suffisant. » Oh! Injustice et ingratitude humaines « (…) La petite » croix de guerre » si vaillamment méritée; bien petit dédommagement, en vérité pour une jambe ou un bras de moins, qu’un petit morceau de métal suspendu à un ruban quelconque, mais ce sera pourtant tout ce qui restera dans quelques années d’ici pour rappeler la conduite sublime de ces malheureux estropiés que le monde regardera d’un œil dédaigneux. (…) Et que penser (tant pis si la censure arrête ma lettre), je ne cite d’ailleurs pas de noms, que penser de certains chefs qui lancent des hommes sur un obstacle insurmontable, les vouant ainsi à une mort presque certaine et qui semblent jouer avec eux, comme on joue aux échecs, avec comme enjeu de la patrie s’ils gagnent, un galon de plus.Ne te scandalise pas, ma chère Marie, je t’écris encore sous le coup de l’émotion d’hier et de cette nuit et bien que je n ai pas du tout pris part à cette lutte, j’ai été très touche ainsi que d’ailleurs tous les officiers même supérieurs qui sont ici; l’un d’eux ce matin en pleurait de rage et de pitié.
Ne crois pas d’ailleurs que mon moral soit atteint le moins du monde, il est excellent. Maurice » Originaire de Marseille, Maurice Antoine Martin-Laval avait vingt-trois ans lorsqu’il écrivit ces mots le 22 février 1915 à sa sœur Marie. Mesdames et Messieurs, s’il ne devait rester qu’un seul souvenir de l’horreur de cette guerre, qu’il soit contenu dans cette lettre. Ne les oublions jamais ! »
Cet article a été publié
le mercredi 16 novembre 2011 à 14:36 et est classé dans Non classé.
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