INTERVENTION DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE A l’issue du Conseil des Ministres concernant la crise bancaire et financière
Mesdames et Messieurs,
La crise bancaire et financière qui a commencé à l’été 2007 s’est aggravée au cours des dernières
semaines. Nous sommes désormais confrontés à une crise de confiance sans précédent qui menace de
paralyser l’économie mondiale.
La confiance doit être rétablie au plus vite.
Dans les circonstances actuelles, seuls les Etats et les banques centrales ont les moyens d’agir pour y
parvenir.
Quand la crédibilité des institutions financières se trouve à ce point atteinte, quand le désordre sur les
marchés est aussi grand, quand des sentiments de panique irrationnels gagnent peu à peu les esprits,
tout le monde se tourne vers les institutions publiques.
Il fallait donc que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités pour tenter de résoudre une crise
dont il était évident qu’elle ne pouvait plus se résoudre d’elle-même. C’est ce qu’ils firent, d’abord
hélas dans le désordre, pour répondre à l’urgence. On a vu l’inefficacité de cette action où chacun ne
décidait que pour lui-même dans une crise dont la principale caractéristique est d’être globale.
Ce temps du chacun pour soi est heureusement révolu. Désormais, c’est ensemble que les Etats les
plus concernés ont décidé d’affronter les difficultés. C’est ce que la France en tant que Présidente de
l’Union Européenne a cherché à faire prévaloir en Europe, d’abord en réunissant les quatre pays
européens membres du G8, puis en cherchant à faire accepter par tous les pays membres une position
commune. C’est ce à quoi les pays du G7 et du G20 réunis la semaine dernière à Washington se sont
efforcés avec succès d’aboutir. C’est ce qu’ont réalisé les banques centrales avec une coordination de
plus en plus étroite qui s’est traduite notamment par une baisse coordonnée sans précédent des taux
d’intérêt.
Un pas décisif a été franchi hier avec la réunion à Paris des Chefs d’Etat et de Gouvernement de
l’Eurogroupe et l’adoption d’un plan d’action concerté extrêmement ambitieux, susceptible par son
ampleur de juguler la crise.
Les principes de ce plan ont été rendus publics hier soir. Ils sont à la hauteur des enjeux. Chacun des
pays membres de la zone Euro s’est engagé à les mettre en oeuvre en fonction de sa situation et des
moyens qui lui sont propres.
Seul le prononcé fait foi 2/3
C’est ce que la France fait aujourd’hui.
Je mesure la responsabilité qui est la mienne et celle du Gouvernement.
Cette responsabilité nous l’assumerons jusqu’au bout.
Nous l’assumerons en continuant de dire la vérité aux Français.
Nous l’assumerons avec la conviction que rien ne doit être épargné pour éviter que la crise s’aggrave
encore.
Nous l’assumerons avec la conviction que le plus grand risque aujourd’hui n’est pas dans l’audace
mais dans l’immobilisme.
A l’heure où je vous parle la plupart des pays de la zone Euro annoncent des dispositions semblables à
celles que nous prenons.
Il faut d’abord, tout le monde en est désormais conscient, débloquer le marché des prêts entre les
banques. Celles-ci ne se faisant plus confiance ne se prêtent plus entre elles, de sorte qu’elles ne
trouvent plus la liquidité nécessaire pour financer leur activité. Chacun dans l’économie préférant par
précaution conserver ses liquidités, l’argent ne circule plus. Il faut créer les conditions pour qu’il
circule à nouveau et naturellement d’abord entre les banques qui constituent le coeur du financement
de l’économie. C’est la raison pour laquelle l’Etat va apporter sa garantie aux emprunts dont les
banques ont besoin pour se refinancer. Cette garantie s’appliquera aux emprunts contractés avant le 31
décembre 2009 et pour une durée pouvant aller jusqu’à 5 ans. Les créances garanties seront prioritaires
par rapport à toutes les autres créances en cas de défaillance de l’établissement emprunteur.
Une société sera donc créée pour refinancer les banques. Les emprunts émis par cette société pour son
financement seront garantis par l’Etat. Naturellement il n’est pas question que cette garantie de l’Etat
qui constitue un effort sans précédent et qui engage l’argent des Français soit accordée sans
contrepartie. Il s’agit par ailleurs de rétablir la confiance et non pas, par ce mécanisme, de venir au
secours d’établissements qui se trouveraient en difficulté du fait d’une mauvaise gestion qui les aurait
conduit à prendre des risques inconsidérés.
La garantie sera donc payante à un prix normal du marché. Elle aura pour contrepartie la signature
d’une convention fixant les obligations des établissements bénéficiaires. Ces obligations porteront
d’abord sur l’éthique, je pense notamment aux rémunérations. On ne peut pas demander la garantie de
l’Etat et tolérer les dérives scandaleuses constatées ces dernières années. On ne peut pas non plus
accepter un mode de rémunération des opérateurs financiers qui les incite à prendre des risques
toujours plus excessifs. Les obligations concerneront aussi le financement des particuliers, des
entreprises et des collectivités territoriales. La garantie de l’Etat doit en effet servir à réamorcer la
pompe du crédit et non à alimenter une thésaurisation de précaution.
Ce refinancement garanti ne sera accessible qu’aux établissements de crédit qui auront des fonds
propres suffisants. Il sera accordé contre des effets représentatifs des crédits à l’économie, notamment
des prêts à la consommation, des prêts hypothécaires, des crédits immobiliers et des prêts aux
entreprises.
L’encours total des prêts garantis est plafonné à 320 milliards d’euros. Ce chiffre est un maximum qui
ne sera sans doute jamais atteint. Il ne représente en aucun cas un coût pour le contribuable puisqu’il
s’agit seulement d’une garantie qui ne jouera qu’en cas de défaillance d’un établissement. En
l’absence de défaillance, le contribuable sera gagnant du montant des commissions encaissées sur les
garanties souscrites.
L’autre problème à résoudre pour surmonter la crise de confiance concerne la difficulté pour les
banques à se procurer les fonds propres qui leur sont nécessaires.
Seul le prononcé fait foi 3/3
Sans fonds propres suffisants, pas de confiance dans les banques et pas de capacité des banques à
consentir de nouveaux prêts. Le manque de fonds propres bancaires provoquerait un rationnement du
crédit qui aurait de graves répercussions sur l’économie réelle.
Nous avons donc décidé de créer une deuxième société qui sera publique et dont l’Etat sera l’unique
actionnaire. Elle aura pour objet de fournir des fonds propres aux établissements de crédit solvables
qui en auront besoin pour développer leurs activités. Ces fonds seront levés avec la garantie de l’Etat.
Naturellement l’Etat sera rémunéré pour son apport .En contrepartie de cet apport, comme pour la
garantie interbancaire, une convention fixera les obligations des établissements concernés
Le plafond de cette garantie est fixé à 40 milliards d’euros.
Enfin, je redis que l’Etat français ne laissera aucun établissement bancaire faire faillite. En cas
d’urgence, l’Etat pourra apporter directement sa garantie au financement d’établissements en
difficulté. Dans ce cas, comme ce fut le cas pour Dexia, l’Etat prendra le contrôle et la direction sera
changée. Il ne peut pas y avoir de sauvetage sans sanction des erreurs et sans que l’Etat se donne les
moyens d’assumer ses responsabilités.
Je redis aussi que l’Etat interviendra par tous les moyens, comme il a commencé de le faire pour le
logement et pour les PME, afin que les conséquences de la crise financière sur le financement de
l’économie soient les plus limitées possibles.
Ces décisions prises, nous avons choisi d’aller vite. Une proposition de loi de finance rectificative va
donc être présentée au Parlement dès demain. Elle sera votée avant la fin de la semaine.
D’autres décisions qui engagent toute l’Europe seront prises lors du Conseil européen de mercredi
prochain, notamment pour ce qui concerne la modification des règles comptables applicables aux
établissements financiers qui aujourd’hui contribuent à aggraver la crise.
L’engagement de l’Etat est considérable, de l’ordre de 360 milliards d’euros au total. Si on tient
compte des différences de PNB, il est comparable à celui de l’Allemagne (400 milliards d’euros pour
la garantie interbancaire et 80 milliards d’euros pour la recapitalisation) et du Royaume-Uni (318
milliards d’euros pour la garantie interbancaire et 64 milliards d’euros pour la recapitalisation).
Cet engagement massif est à la hauteur du problème auquel nous sommes confrontés. Dans la situation
où nous sommes c’est tout le contraire d’une fuite en avant. En offrant la garantie de l’Etat nous
pouvons espérer mettre un terme à la crise de confiance et ainsi à ne pas avoir à faire supporter aux
Français le coût exorbitant qu’aurait une défaillance de tout le système bancaire. Le pari raisonnable
que nous faisons est qu’en apportant cette garantie nous n’aurons pas à la faire jouer.
Ce que nous tentons aujourd’hui de façon exceptionnelle dans des circonstances elles-mêmes
exceptionnelles, c’est, je le dis aux Français, la seule façon de protéger leurs économies et leurs
impôts.
Je le répète, le plus grand risque à l’heure actuelle serait de ne pas faire preuve d’audace. C’est ce que
nous avons choisi de faire hier soir avec tous les pays de la zone Euro. C’est ce que nous mettons en
oeuvre aujourd’hui.
Je crois qu’il n’y avait pas à cette heure d’autre choix raisonnable.