PIERRE MAGNAN GRAND ECRIVAIN PROVENCAL N’EST PLUS
C’est avec une immense peine que j’ai appris hier d’un coup de téléphone de son épouse, la disparition de Pierre Magnan, un des plus grands de nos écrivains contemporains de notre région. Pierre Magnan était un écrivain qui à travers ses œuvres se faisait l’ambassadeur émérite de
Mesdames, Messieurs, chers amis, c’est avec une immense peine que nous avons tous appris cette triste nouvelle avec la disparition de Pierre Magnan parti vers le… repos éternel, au paradis des poètes, au jardin d’Eden des hommes de lettres à la plume si joliment enlevée et si profondément réaliste et authentique.Même s’il s’était retiré à Voiron, Pierre Magnan a longtemps vécu ici même à Forcalquier. La sagesse lui avait dicté de se rapprocher des lieux habités et de se séparer des surplus qui aveuglent les âmes et alourdissent les cœurs.
Pierre Magnan était un bon vivant et son côté un peu asocial conférait à sa personnalité un réel mystère qu’il aimait à cultiver comme un jardin secret. Secret, voilà un mot qui caractérisait parfaitement cet homme pour qui j’avais beaucoup d’affection. Jardin, voilà un deuxième mot qu’il ne pouvait concevoir sans un olivier, homme de paix qu’il était.
Pierre Magnan était un écrivain qui à travers ses œuvres se faisait l’ambassadeur émérite de la culture et de l’histoire de la Haute Provence. C’était un contemplatif éclairé. Je me souviens qu’un soir, il me décrivait avec moultes détails, un village provençal comme il savait si bien le faire… Puis, je lui dis « Pierre, comment connaissez-vous si bien ces villages perdus en Haute Provence ? » Il me repondit avec un air un tantinet malicieux, « celui-là, je ne l’ai jamais visité, je l’ai découvert sur une carte postale ».
Voilà ! C’était aussi cela sa personnalité, ayant autant rêver sa vie que vécu ses rêves ! Sa plume était ce bateau qui lui a permis de voyager et de nous faire voyager avec cette faculté exceptionnelle de planter les décors avec les mots justes, quand d’autres se masquent derrière de simples apparats. Vous l’aurez compris, je suis admiratif de cet auteur, et je suis heureux de faire partie de ceux, qui connaissaient Pierre Magnan depuis longtemps.
J’ai une pensée très émue aujourd’hui pour toute sa famille et tout particulièrement pour son épouse Françoise, car je savais toute l’importance de sa présence à ses côtés ainsi que la force extraordinaire de ce couple. Ils sont devenus pour moi de vrais amis, des intimes qui m’ont ouvert leurs bras généreux de sincérité et de cette douce chaleur bien provençale.
Un jour que Pierre Magnan me questionnait sur l’Assemblée Nationale, il me demanda si cet accent « bien de chez nous », ne surprenait pas les « grands personnages » comme il se plaisait à nommer les ministres ou les personnalités politiques de premier plan. Et avant que je ne lui réponde quoi que ce soit, il continua avec sagesse sa démonstration en me disant « N’oubliez jamais cher Daniel, notre accent, c’est notre passeport ! » Voilà ! Comment Pierre Magnan me fit aussi toucher du doigt tout l’enjeu de la culture provençale et ses implications sur notre identité.
Caché derrière une immense modestie, il aimait transmettre ses messages avec un talent tout à fait remarquable, avec l’art de la métaphore et surtout avec générosité. C’est sans doute ce désir de donner du sens et de transmettre sans cesse une réflexion qui le poussait quasi systématiquement à commencer ses phrases, lorsque nous parlions, par « Tu comprends ?… »
Car, il ne faut pas oublier non plus que Pierre Magnan était aussi un grand pédagogue. Ce n’est pas un hasard si plusieurs écoles ont déjà été baptisées de son nom, qui plus est de son vivant, dans les Hautes-Alpes à Laragne ou encore dans les Alpes de Haute Provence, à Saint-Pons, au Vernet et à Sisteron en 2009.
En 2002, à l’occasion de la sortie de « L’enfant qui tuait le temps », Pierre Magnan avait fait envoyer son ouvrage dans toutes les écoles primaires de notre département. À Sisteron, il l’avait dédicacé et apporté lui-même dans les écoles. Une démarche qui l’honore encore aujourd’hui et dont on peut tous lui être reconnaissant, car c’est bien à l’école de la république que l’on apprend à lire, que l’on donne aux enfants ce goût de la lecture, qui va de la découverte au rêve pour devenir une source d’épanouissement.
Pour la petite histoire, sachez que même s’il a vécu de très nombreuses années à Forcalquier, il se sentait bien à Sisteron. Il était aussi très attaché à la cité de Paul Arène, qu’il avait mis au cœur du « secret des andrônes », publié en 1980. Il aimait venir à Sisteron, ville qui l’inspirait toujours, où il prenait la magie des lieux et des gens, lui qui cherchait toujours à exprimer ce qui « éclatait » en lui. Il rappelait cette relation qu’il entretenait avec Sisteron, en ces termes : « Je me suis promené pendant trois nuits entières dans les rues désertes de Sisteron. Et là, j’ai vraiment aimé cette ville. Je l’ai découverte secrète, déroutante, merveilleuse… une ville hors du temps … »
Pierre Magnan n’en finissait pas de nous étonner, de nous faire percevoir l’essence même de notre pays provençal à l’instar de Jean Giono. Pierre Magnan a beaucoup appris au contact de Jean Giono, II nourrissait une grande admiration pour lui.
Magnan décrivait ses « Basses-Alpes » et ses habitants, comme ils sont, sans concession. Il avait de la tendresse pour eux, quelques fois du mépris et de la colère. Et pour cause, il était des leurs, avec des parents Bas-Alpins, des grands-parents Bas-Alpins et ses racines étaient profondément enfoncées dans cette terre dure et aride. L’essence de la terre des Basses-Alpes courait dans ses veines, cette terre qu’il n’a eu de cessé de labourer de sa plume.
Si très naturellement, ses romans lui ressemblent, dans certains d’entre eux, il nous a livré une grande partie de lui-même. C’est ainsi que particulièrement, II y a du Magnan dans « Séraphin Monge », il y a du Magnan dans « le Zinzolin » et dans « le Zorme », et je vous le dis comme je le pense, « La folie Forcalquier », n’a rien à envier au beau hussard de Giono. Un même souffle épique accompagne les acteurs de ces histoires, une même angoisse se traîne le long de leurs lignes. Il faut dire que pour écrire, sans rien enlever à son talent, II avait pour écritoire, la montagne de Lure. Il ne pouvait y écrire de là que des chefs-d’œuvre.
Pierre Magnan, souvent snobé par la critique parisienne, était un immense écrivain avec un tout petit ego, tout le contraire de ces trop nombreux apprentis écrivains ou ces exhibitionnistes qu’on nous inflige dans les émissions télévisées aujourd’hui.
Faut-il rappeler que sur proposition de mon amie, Henriette Martinez, vice-présidente de l’assemblée parlementaire de la francophonie, ici présente, le bureau de la Francophonie en février dernier a fait Pierre MAGNAN, Chevalier dans l’Ordre de la Pléiade, l’ordre de la Francophonie et du dialogue des cultures ? Une distinction décernée en hommage à son œuvre et à la promotion inlassable de la langue françaises et de la diversité culturelle.
La Haute Provence peut ainsi s’enorgueillir d’avoir eu en Pierre Magnan, un grand promoteur, un metteur en scène hors pairs, un grand auteur et un peintre d’ambiances littéraires, un créateur d’histoires et un photographe de l’âme provençale. Il était instinctivement un magicien des mots. Il disait d’ailleurs qu’écrire « c’est une musique de mots, un tempo, un certain recul ».
Aujourd’hui, au-delà de l’homme de lettres, je perds donc un véritable ami avec lequel je nourrissais des liens empreints d’un grand respect et de sincérité. Nos rencontres aux côtés de son épouse Françoise, étaient un régal, de celles qui vous enchantent et vous revigorent. Je vais vous faire une confidence. dès que Françoise m’annonçait leur présence à Sisteron, je ne pouvais m’empêcher de tout quitter sur le champ car je savais que les moments passés avec eux seraient si délicieux que j’en garderai toujours une saveur inoubliable et une trace dans mon cœur.
La Haute Provence l’inspirait, la Haute Provence lui a dédiée plusieurs écoles, la Haute Provence pleure un conteur et un faiseur de rêves, et nous attendons avec encore plus d’impatience et de regrets la diffusion sur France 2 du « Secret des Andrones », un téléfilm tourné en février dernier au pied de la citadelle.
A toute sa famille, à son épouse Françoise, aux orphelins de la plume du « Maître », je veux ici même vous adresser mes plus sincères condoléances et dire à Pierre Magnan combien il va nous manquait.
Ecrivain infatigable, je sais qu’il était encore en train d’écrire un nouvel opus que d’ailleurs Françoise entend faire publier, mais que le destin ne lui aura pas permis de terminer, laissant ce signe, ce point-virgule qui veut sans doute nous dire, je vous donne rendez-vous là-bas, nous nous retrouverons…